Retour sur les 9e journées de formation du centre de l’endométriose de l’Hôpital Paris Saint-Joseph et de Résendo
IL ÉTAIT UNE FOIS LA DOULEUR…
« L’endométriose toucherait à ce jour, 10 à 15% des femmes avec un polymorphisme important des symptômes, de leur intensité ainsi que de leur retentissement. C’est pourquoi le parcours patiente dans sa globalité dépasse largement la gynécologie seule et donne toute son importance à l’expertise multidisciplinaire. »
La douleur était au centre de la 9ème journée de formation RESENDO à l’Hôpital Saint Joseph à Paris le 27 et 28 septembre 2024. Un groupe de professionnels de santé experts a partagé les connaissances actuelles sur les mécanismes d’hypersensibilité à la douleur chez les femmes atteintes d’endométriose à travers des présentations, des discussions et des ateliers, afin de définir les meilleures approches pour réduire le symptôme le plus impactant sur le quotidien des patientes.
Le premier jour de formation a été divisé en 4 séances.
TRAVAILLER ENSEMBLE
Le témoignage de patientes sur la qualité de vie et la description de l’errance, de plusieurs années souvent, pour arriver à un diagnostic, a été un point central de la discussion.
La création en France de filières territoriales spécifiques à l’endométriose a pour objectif de permettre à chaque femme d’avoir accès à une prise en charge adaptée et de qualité.
Le message clé est que les femmes ne doivent pas se sentir seules. Grâce aux filières, des spécialistes multidisciplinaires collaborent pour analyser la situation de chaque patiente et trouver les solutions les plus adaptées pour soulager leur douleur.
DOULEURS ET ENDOMÉTRIOSE : WHAT ELSE ?
Il n’y a pas une douleur mais des douleurs dans les dysménorrhées de l’endométriose, qui ont des mécanismes différents.
La douleur nociplastique provient d’altérations dans le traitement des signaux de douleur par le système nerveux central (cerveau et moelle épinière) entraînant une amplification de la perception de la douleur et une hypersensibilité sensorielle ainsi que d’autres symptômes.
Elle est différente de la douleur nociceptive, également appelée douleur périphérique, due à un excès d’influx douloureux dans le système nerveux, provoqué par une lésion sur un tissu (par inflammation ou dommage mécanique).
Elle est également différente de la douleur neuropathique, conséquence de lésions ou du coincement de nerfs périphériques.
La dysménorrhée d’une patiente atteinte d’endométriose est souvent reconnue comme douleur nociplastique, surtout en cas de dysménorrhée grave (grade 3).
Mais la douleur associée à l’endométriose profonde peut être aussi similaire à une douleur neuropathique.
D’autres douleurs peuvent s’ajouter à la dysménorrhée, comme le syndrome de la vessie douloureuse, le syndrome d’hyperactivité vésicale (provoquant des urgences urinaires), la vulvodynie et/ou la vestibulodynie (douleurs comme des brûlures au niveau de la vulve et du vagin) et le syndrome myofascial du périnée.
Pour déterminer la thérapie anti-douleur la plus efficace, il est donc important de bien diagnostiquer la présence de comorbidités.
Ces syndromes pelviens peuvent également être associés à des maladies intestinales.
Les cas les plus graves et rares sont ce que l’on nomme « MICI », les maladies inflammatoire chroniques de l’intestin, comme la maladie de Crohn et la Rectocolite Hémorragique (RCH), qui se caractérisent par une inflammation d’une partie du tube digestif. Cette hyperactivité du système immunitaire entraîne la formation d’ulcérations.
Dans les cas moins graves mais plus fréquents, il s’agit de troubles fonctionnels intestinaux (TFI) ou syndrome de l’intestin irritable (SII). Il se traduit par de la constipation ou de la diarrhée, ou bien une alternance des deux, associées à des douleurs et des ballonnements importants.
Une méta-analyse publiée en 2021 fournit des preuves épidémiologiques d’un lien entre l’endométriose et le Syndrome d’intestin irritable (SII), mettant en évidence un risque au moins deux fois plus élevé de SII chez les femmes atteintes d’endométriose par rapport aux femmes non atteintes. (Chiaffarino et al Endometriosis and irritable bowel syndrome: a systematic review and meta-analysis. Arch Gynecol Obstet. 2021 Jan;303(1):17-25. doi: 10.1007/s00404-020-05797-8. Epub 2020 Sep 19. PMID: 32949284.)
De nouvelles approches pour soulager la douleur, sont en cours d’étude ou d’expérimentation. Elles comprennent l’utilisation de l’Intelligence Artificielle et les casques de réalité virtuelle, les TENS Transcutaneous Electrical Nerve Stimulation, la Técarthérapie (Transfert Énergétique Capacitif et Résistif), l’administration de ventoline. Ces thérapies ne sont pas encore validées scientifiquement par des études cliniques, mais elles peuvent agir sur la diminution de la l’hyper contractilité musculaire, avoir une action anti-inflammatoire et agir sur la douleur neuropathique et diminuer l’hypersensibilisation centrale. Chaque technique pourra être adaptée aux caractéristiques de la douleur de la patiente.
QUOI DE NEUF SUR L’ENDOMÉTRIOSE?
Le diagnostic précoce de l’endométriose reste encore le défi plus important. L’approche diagnostique recommandée avec l’imagerie, notamment l’échographie et l’IRM, reste trop souvent imprécise surtout pour ce qui concerne la définition anatomique des lésions. D’autre part, l’approche chirurgicale est trop invasive et dépend de l’expertise du chirurgien et de la qualité de la biopsie. Il est donc nécessaire de trouver des alternatives pour réduire l’errance diagnostique des femmes, accélérer la prise en charge par les professionnels de santé et le parcours de soins clinique et enfin, améliorer leur qualité de vie.
Récemment, plusieurs marqueurs biologiques ont été étudiés. Des biomarqueurs qui sont des microARN messagers non codants ont été récemment identifiés comme une potentielle signature de la maladie avec des preuves cliniques montrant une sensibilité et une spécificité très élevées (>95%).
Une étude de validation à grande échelle va être réalisée dans des dizaines d’hôpitaux en France dans le cadre du forfait innovation. Si cette étude confirme les résultats positifs du test, il sera possible de diagnostiquer précocement l’endométriose.
Endométriose et cancer : quel lien ? Selon des études récentes il semble que l’endométriose et certains types de cancers sont liés génétiquement mais concernent des cas rares.
Facteurs environnementaux : les liens entre expositions périnatales et risque d’endométriose semblent évidents. Les résultats d’une étude conduite en France suggèrent plusieurs associations entre l’impact de l’environnement au début de la vie et durant l’enfance et le risque d’endométriose, cependant de plus amples études sur le sujet et sur d’autres populations sont nécessaires.
ATELIERS PRATIQUES
Les quatre ateliers de la première journée de formation RESENDO ont été l’occasion pour les professionnels de santé d’échanger et de discuter les approches complémentaires aux traitements de la douleur comme la sophrologie, la médecine manuelle et le sport, la diététique, et la sexologie.
La deuxième journée de formation a porté sur les douleurs liées à des traumatismes. Il s’agissait d’examiner les aspects physiques et psychologiques de traumatismes associés à des violences (agressions, agressions sexuelles, harcèlement) trop souvent cachées. De tels évènements entraînent des conséquences sur la santé, pas seulement physique mais aussi sur les comportements (dépression, anxiété, troubles de l’alimentation et du sommeil, dépendance à l’alcool, au tabac, à la drogue), la santé sexuelle et reproductive, le développement de maladies chroniques.
Un autre sujet qui a été adressé est le processus de deuil de la parentalité due à l’infertilité chez certaines femmes atteintes d’endométriose. Malgré les avancées de la médecine et la possibilité d’AMP (Assistance Médicale à la Procréation), pour certains couples le désir d’enfant reste un projet inaccompli.
Les échecs répétés de l’AMP peuvent être vécus comme un véritable deuil de la parentalité. Il ne s’agit pas seulement d’un problème de perte d’un être physique mais devient l’abandon d’un projet, d’une identité potentielle des parents. Le soutien psychologique du couple est absolument nécessaire.