
Le projet de recherche en quelques mots…
État de l’art : Les kinines sont des petites molécules qui jouent un rôle dans l’inflammation, mais elles sont très instables et se dégradent rapidement. Elles se fixent sur deux récepteurs, appelés B2 et B1. Le récepteur B2 est localisé sur les vaisseaux sanguins et pourrait être impliqué dans l’inflammation qui favorise la persistance des lésions d’endométriose. Le récepteur B1, quant à lui, entraîne de la douleur lors de son activation, potentiellement pendant les crises aiguës d’endométriose. Les méthodes de diagnostic permettant de détecter les inflammations provoquées par les kinines, comme celles qui pourraient être associées à l’endométriose, sont encore peu développées.
Hypothèse : Il est possible de mesurer l’accumulation des kinines en observant leur précurseur, une protéine présente dans le plasma sanguin appelée kininogène de haut poids moléculaire (HK). Pour ce faire, on utilise des anticorps spécifiques qui reconnaissent les différentes formes de cette protéine (forme entière et forme coupée).
Objectif principal : L’objectif principal est de mieux caractériser des anticorps déjà produits qui ciblent des zones précises de la protéine HK. Ces anticorps sont capables de reconnaître 1) la forme native (entière) de HK dans le domaine spécifique de la bradykinine (le fragment coupé instable mais actif qui active B1 et B2) et 2) le site de liaison avec une enzyme (la kallikréine) qui génère la bradykinine. Ce 2ème anticorps pourrait empêcher la coupure de HK, réduisant ainsi la formation de kinines et protégeant contre l’inflammation due aux kinines dans une potentielle approche thérapeutique. Cela représente un objectif secondaire.
Méthodes :
• Purifier les anticorps déjà identifiés comme importants et vérifier leur capacité à reconnaître les différentes formes de la protéine HK.
• Créer un test pour mesurer la coupe de HK et l’appliquer sur des échantillons de plasma de femmes avec et sans endométriose (obtenus avec le service de gynécologie de l’Hôpital Cochin).
• Tester, dans un modèle animal, si ces anticorps peuvent réduire la production de kinines et protéger contre l’endométriose expérimentale, en diminuant l’inflammation et la douleur.
Impact :
• Ce test permettra d’obtenir un outil pour diagnostiquer et suivre la gravité de l’endométriose ainsi que d’autres maladies inflammatoires liées aux kinines.
• Identifier un anticorps capable de réduire la production de kinines dans un modèle animal pourrait mener à une étude préclinique. Un tel anticorps, avec une longue durée d’action, pourrait prévenir les crises inflammatoires et réduire les douleurs, potentiellement en limitant l’extension des lésions.
La chercheuse
Ludivine Doridot, Professeure associée à l’Université Paris Cité (Chaire INSERM)
Mes études supérieures ont consisté en une classe préparatoire BCPST (Biologie, Chimie, Physique, Science de La Terre) à Tours, puis une licence Biologie Moléculaire et Cellulaire à l’École Normale Supérieure (ENS) de Lyon, et un master en génétique à Paris (M1 à l’ENS de Paris, M2 du Magistère européen de Génétique à l’Université Paris Diderot). Suite à un cours passionnant sur le placenta, j’ai réalisé mon doctorat sous la direction du Dr Vaiman sur la prééclampsie, une maladie hypertensive de la grossesse. Pour mon postdoctorat, je suis allée à Boston aux Etats-Unis pour étudier le métabolisme du fructose et son rôle dans le développement du syndrome métabolique (un état associé au diabète et à l’obésité), dans l’équipe du Dr Herman au sein d’un hôpital universitaire affilié à l’Université de Harvard. Grâce à un poste de Maître de conférences à l’Université Paris Cité puis à une chaire INSERM, je travaille depuis 2017 sur l’endométriose et l’immunologie de la reproduction. En particulier, j’essaye de comprendre comment les interactions entre les cellules endométriales, les cellules immunitaires et leurs microenvironnements sont impliqués dans la physiopathologie de l’endométriose et ses conséquences, notamment sur la grossesse.

Pourquoi la recherche sur l’endométriose ?
En tant que femme, j’ai toujours été impressionnée par la capacité qu’a notre corps à pouvoir héberger et former un nouvel être humain. En tant que scientifique, j’ai toujours voulu comprendre d’où venaient les maladies, en particulier les maladies avec une composante génétique. Cela m’a d’abord mené à étudier la prééclampsie, une maladie touchant les femmes enceinte et impliquant le placenta, cet organe connectant l’organisme maternel à un futur petit être tout neuf. Durant cette période (2009-2013), des collègues travaillaient sur l’endométriose, ce qui m’a permis de découvrir cette maladie. Je me suis plus tard intéressée à l’endomètre, ce tissu qui peut accueillir une future vie. Naturellement, pour comprendre ces organes, s’intéresser à des conditions où ils ne fonctionnent pas parfaitement est riche d’enseignement. Pour un chercheur, l’endométriose est un sujet passionnant, tant cela nous pousse à apprendre des aspects divers, à ouvrir notre esprit à des dimensions nouvelles (scientifiquement mais aussi humainement et socialement).
Le soutien de la Fondation Recherche Endométriose
Dans le cadre de son 4e appel à projets en 2024, la Fondation pour la Recherche sur l’Endométriose a accordé son soutien au projet HKmAb à hauteur de 40 000 €.
Les structures associées au projet

