endométriose et sexualité

Endométriose et dyspareunie

Parallèlement aux douleurs pelviennes et autres symptômes classiquement rencontrés dans l’endométriose, l’impact de la maladie sur la sexualité et sur les relations intimes du couple, trop peu souvent évoqué car tabou, doit être également considéré.

Une récente enquête menée en France par une association de patientes révèle en effet que 51,3% des femmes concernées par l’endométriose estiment que l’endométriose a un impact très important sur leur vie sexuelle et que 86,5% d’entre elles considèrent avoir une vie sexuelle réduite. L’enquête indique par ailleurs que si plus de 80% des répondantes ont évoqué leurs difficultés auprès de professionnels de santé, seulement 17% ont pu bénéficier d’une prise en charge qui les a aidées [Endomind 2025].  

Une étude épidémiologique sur près de 250.000 cas montre que par rapport aux femmes non atteintes, les femmes présentant une endométriose font significativement plus état d’expériences traumatisantes ou stressantes dans l’enfance et à l’âge adulte (+28%), notamment en cas de traumatisme physique ou sexuel) [Koller 2025].

Jusqu’à deux tiers des femmes présentant une endométriose (entre 48% et 78% selon les études) se plaignent de leur qualité de vie sexuelle [Maulenkul 2024, Norinho 2020, Barbara 2017], avec une perturbation des rapports sexuels, notamment en raison de l’inconfort et des dyspareunies (douleurs lors des rapports), surtout en cas d’endométriose profonde [Buggio 2017].

  • Par exemple, une première étude comparative menée sur 200 femmes montre une fréquence de dyspareunies entre 53% et 67% selon la localisation de l’endométriose, contre 26% seulement en l’absence de la maladie [Vercellini 2012].
  • Dans une récente étude observationnelle portant sur 334 patientes présentant une endométriose, 95% d’entre elles se plaignent de dyspareunies [Del Forno 2024].
  • Enfin, par rapport à la qualité du rapport sexuel, il est observé dans une autre étude réalisée chez 358 femmes atteintes d’endométriose, que les douleurs sont exacerbées dans 14% des cas au moment de l’orgasme [Ding 2024].

Outre l’inflammation pelvienne chronique, la douleur pendant les rapports sexuels peut être due aux pressions mécaniques lors du rapport, ainsi qu’aux étirements du tissu endométriosique qui est inélastique, adhérent ou cicatrisé [Buggio 2017]. Par ailleurs, les dyspareunies des femmes atteintes d’endométriose peuvent également être provoquées ou aggravées en raison de la sécheresse vaginale causée par un traitement hormonal.

Endométriose et fonction sexuelle globale

Au-delà de la dyspareunie, il convient de prendre en compte la fonction sexuelle globale. Celle-ci peut s’évaluer en mesurant l’Indice de la Fonction Sexuelle Féminine (FSFI), avec un auto-questionnaire explorant 6 composantes de la sexualité (désir, excitation, lubrification vaginale, orgasme, satisfaction, et douleur) [Meston 2000, Rosen 2000]. Cet indice bien validé permet d’affirmer qu’il y a un dysfonctionnent sexuel si sa valeur est inférieure ou égale à 26,5 [Wiegel 2005].

  • Utilisant le FSFI, une méta-analyse regroupant les résultats de 4 études sur un ensemble de 423 femmes, a comparé la fonction sexuelle chez des femmes atteintes ou non d’endométriose. Il s’avère qu’en cas d’endométriose il y a un 2,38 fois plus de risque de dysfonction sexuelle féminine (FSFI < 26,5), et les 6 composantes FSFI sont significativement plus faibles chez les femmes atteintes d’endométriose. Les femmes atteintes d’endométriose présentent par ailleurs une dyspareunie plus sévère et davantage de douleurs pelviennes chroniques (mesures par échelles visuelles analogiques) [Perez-Lopez 2020].
  • L’actualisation récente de cette méta-analyse rassemblant les résultats de 6 études portant sur 855 femmes confirme que l’endométriose diminue significativement le score global du FSFI et de celui de chacune de ses composantes. Il est également retrouvé des dyspareunies significativement plus importantes chez les patientes présentant une endométriose [Shi 2023].

Endométriose et sexualité au sein du couple

Au niveau de la sexualité du couple, la douleur pendant les rapports sexuels, la baisse de la libido, les troubles de la lubrification, de l’excitation et de l’orgasme coexistent fréquemment et peuvent entraîner une faible satisfaction sexuelle globale de la femme et de son partenaire [Buster 2013]. Le cercle vicieux généré par les dysfonctions sexuelles commence généralement par la présence d’une dyspareunie récurrente et par la crainte et l’anticipation de la douleur à chaque tentative d’intimité sexuelle. Cette peur est un puissant inhibiteur du désir et l’expérience conditionnée des rapports douloureux affecte ainsi la vie sexuelle et les relations intimes, caractérisée par un évitement partiel ou total et perturbant la vie de couple [Di Donato 2014].

  • Une première étude observationnelle comparative internationale réalisée auprès de 572 personnes (236 femmes avec, et 236 femmes sans endométriose) a montré qu’il y avait significativement moins de couples satisfaits de leur vie sexuelle en cas d’endométriose (58,1% contre 73,8% en l’absence de la maladie), et la fréquence des rapports sexuels est significativement plus importante en l’absence d’endométriose [Hämmerli 2018].
  • Une autre étude récemment menée en France chez les conjoints masculins de femmes souffrant d’endométriose révèle que les sentiments du partenaire sont dominés par l’inquiétude, la compréhension et la compassion, mais que 17% d’entre eux font état de sentiments négatifs. [Santulli 2024].
  • Enfin, l’enquête menée par l’association de patientes Endomind révèle que si 70% des femmes se considèrent soutenues par leur partenaire face à l’impact de la maladie sur la sphère sexuelle, 60% d’entre elles estiment que leur partenaire leur a déjà fait ressentir que l’endométriose avait un impact sur l’intimité et la sexualité du couple. Par ailleurs, 51,6% des femmes concernées rapportent avoir déjà menti à leur partenaire afin d’éviter un rapport sexuel non souhaité du fait de l’endométriose [Endovie 2025].

La détresse émotionnelle et la qualité des relations sexuelles affectent donc la vie des couples concernés par l’endométriose [Van Eickels 2024], et ceci n’est pas sans conséquence, car la raréfaction ou la faible qualité des rapports est un facteur supplémentaire qui s’ajoute aux éventuelles complications directes de l’endométriose sur la fertilité, en particulier en cas d’atteinte ovarienne ou en cas d’adénomyose [Norinho 2020, Maulenkul 2024].   

Comment améliorer la vie sexuelle en cas d’endométriose ?

La réduction de la douleur lors des rapports représente la première étape du traitement des femmes souffrant de dysfonctionnements sexuels associés à l’endométriose. Cette prise en charge inclut le traitement hormonal (en particulier progestatif à faible dose et à long terme), la chirurgie ou d’autres méthodes alternatives telles que la stimulation électrique transcutanée (TENS), une hygiène alimentaire adaptée, ou bien une kinésithérapie relaxante pour plus de souplesse.

La pénétration sera facilitée par un acte lent et progressif, et l’utilisation de lubrifiants intimes peut aider à réduire les douleurs associées. La dyspareunie peut également être réduite en adoptant des techniques ou des positions sexuelles adaptées et plus confortables. Par exemple, augmenter la durée des préliminaires et retarder la pénétration peut amplifier la lubrification génitale, ou bien éviter les rapports, juste avant ou après les règles.

Lorsque les difficultés sexuelles sont particulièrement préoccupantes et pénibles, la thérapie sexuelle peut être très utile et représenter une expérience positive pour le couple en favorisant, dans un respect mutuel, une communication ouverte et honnête entre les femmes et leurs partenaires. Les dimensions psychologiques ou relationnelles telles que l’anxiété ou les comportements au sein du couple jouent en effet un rôle important, et une approche globale prenant en compte tous les différents aspects de la sexualité féminine doit être fortement encouragée.

La thérapie sexuelle, dispensée par des médecins, des sexologues ou des psychologues agréés, permet aux couples de révéler et de prendre en charge leurs problèmes sexuels et d’en discuter avec un professionnel spécialisé qui les soutient [Buggio 2017, Norinho 2020]. Enfin, les modules d’éducation thérapeutique intégrant la dimension de la sexualité aideront la patiente et son partenaire à mieux comprendre la maladie et son traitement, et à maintenir voire à améliorer leur qualité de vie sexuelle [EndoTalk 2025].

Quels que soient les symptômes liés à l’endométriose, il est donc tout à fait possible d’avoir du plaisir sexuel avec son partenaire, et la prise en charge médicale et parfois chirurgicale de la maladie doit aussi intégrer cet objectif en prenant le temps d’aborder le sujet sans tabou et d’écouter toutes les attentes.

Sources bibliographiques