Dossier spécial : chirurgie de l’endométriose : quelles applications et quelles limites ?

chirurgie de l'endométriose

Pourquoi ne devrait-on plus faire de chirurgie pour diagnostiquer l’endométriose ?

L’endométriose est une maladie courante, qui se révèle le plus souvent par des douleurs de la région abdomino-pelvienne, et qui peut évoluer vers une chronicité invalidante affectant la qualité de vie. Sa prise en charge diagnostique et thérapeutique doit mobiliser les compétences de plusieurs spécialités.

Cette maladie est en effet d’expression très hétérogène car les lésions d’endométriose peuvent se situer et évoluer de façon très variable d’une patiente à l’autre ; par exemple vers le péritoine qui est une membrane qui enveloppe et protège les viscères que contient l’abdomen, (on parle d’endométriose pelvienne profonde ou superficielle selon qu’elle infiltre ou non le péritoine ), ou bien vers les ovaires (on parle dans ce cas d’endométriome) ou encore vers la paroi musculaire de l’utérus lui-même (on parle alors d’adénomyose). C’est pourquoi le diagnostic de la maladie et de ses éventuelles extensions a dans le passé très souvent reposé sur l’exploration chirurgicale appelée cœlioscopie ou laparoscopie (du grec « observer l’abdomen ») qui permettait, par une petite ouverture pratiquée sur la paroi de l’abdomen, de visualiser tous les organes concernés.

Cependant, alors que la cœlioscopie est un acte invasif et non dénué de possibles complications, sa fiabilité n’est pas optimale, notamment pour affirmer qu’il n’y a pas d’endométriose. La probabilité que la cœlioscopie soit négative en l’absence d’endométriose n’est en effet selon les études que de 40% à 79% (contre 72% à 91% pour l’Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) et 91% à 96% pour l’échographie) [Pascoal 2022].

Enfin, l’arrivée prochaine de tests salivaires, faciles à pratiquer et dont les performances diagnostiques sont encore supérieures à celles de l’IRM pelvienne, complètera le parcours diagnostique et ceci quelles que soient la catégorie et la localisation de l’endométriose. [HAS 2023, Bendifallah 2023].

Les progrès, la pratique et la formation des centres spécialisés en échographie et en IRM ont donc petit à petit rendu obsolète le diagnostic chirurgical de l’endométriose qui est par ailleurs un geste invasif et non dénué de complications post-opératoires.

Quelle peut être maintenant la place de la chirurgie dans la prise en charge de l’endométriose ?

La chirurgie peut avoir aujourd’hui une visée thérapeutique, mais pas pour toutes les patientes, et seulement dans certaines situations :

  • pour traiter des symptômes sévères et réduire les douleurs pelviennes ne répondant pas à plusieurs essais de traitements médicaux (médicaments, alimentation, hygiène de vie),
  • pour améliorer les chances de conception si l’endométriose génère des troubles de la fertilité,
  • pour traiter d’éventuelles extensions viscérales de l’endométriose, notamment digestives et urétérales.

Pour être bénéfique, la chirurgie doit être la moins invasive possible, peu cicatricielle et la moins sujette à complications. Elle doit faire l’objet d’une explication détaillée sur ses bénéfices et ses potentiels risques par le chirurgien à la patiente et elle doit être envisagée en fonction des priorités exprimées par la patiente elle-même. Enfin, cette chirurgie étant la plupart du temps complexe, elle doit être réalisée dans un centre expert de l’endométriose. Selon la localisation des lésions, plusieurs chirurgiens spécialisés peuvent être amenés à intervenir (gynécologue, gastro-entérologue, urologue…).

Plusieurs points seront pris en compte avant de décider ou non d’une intervention chirurgicale, tels que la chronicité et la persistance des symptômes, la réponse ou non au traitement médical, la présence ou non d’une adénomyose, et l’éventuelle récurrence des lésions [Chapron 2019, Netter 2019]. L’usage de l’IRM pré-opératoire, doit aboutir à une cartographie précise des lésions d’endométriose [Bazot 2022]. En effet, ces lésions peuvent être localisées sur plusieurs endroits différents de l’abdomen, voire parfois vers le thorax, situation souvent sous-estimée [Noventa 2019], ce qui multiplie les risques de complications [Bendifallah 2021].

En tout état de cause, la chirurgie reste une composante du traitement de l’endométriose, particulièrement pour les patientes qui ne trouvent pas de soulagement avec les traitements médicaux conventionnels, mais elle n’éradique jamais la cause et l’origine de l’endométriose.

Quelles sont les différentes possibilités d’interventions chirurgicales ?

Il faut avant tout faire la distinction entre l’objectif de la chirurgie, et son mode opératoire tel que la laparoscopie, la laparotomie (dont l’ouverture dans l’abdomen est plus large que pour la laparoscopie), la cryothérapie (gel des lésions d’endométriose), ou bien encore la chirurgie assistée par robot. Cette dernière est prometteuse car elle procure une meilleure visualisation des fibres nerveuses et permet une bonne maîtrise opératoire, même si son efficience doit encore être prouvée [Berlanda 2017].

L’objectif chirurgical, peut être une ou plusieurs des situations combinées suivantes [Keckstein 2020, Nisolle 2019, Donnez 2017] :

  • La résection (ablation) de lésions d’endométriose sur les ligaments utérosacrés, situés derrière l’utérus.
  • Une kystectomie pour retirer un endométriome (kyste d’endométriose sur un ovaire) et dont l’étendue est fonction de la taille du kyste et de la réserve ovarienne (stock d’ovocytes) pour préserver la fertilité post-opératoire. Des techniques spécifiques existent pour préserver au maximum la réserve ovarienne, telles que la sclérothérapie, ou bien la vaporisation au laser.
  • Une hystérectomie totale (ablation du col et du corps de l’utérus) peut s’envisager en cas d’adénomyose, en dernier recours, selon l’étendue des lésions et aussi selon l’âge de la patiente. Lorsqu’elle est réalisée avant la ménopause, l’hystérectomie a pour conséquence l’arrêt définitif des règles, mais la conservation des ovaires permet un maintien de la sécrétion hormonale sans provoquer de ménopause.

L’hystérectomie seule ne traite pas les autres lésions d’endométriose disséminées dans l’abdomen, et qui même en dehors de l’utérus, restent sous la dépendance des œstrogènes produits par les ovaires jusqu’à la ménopause, et qui peuvent donc continuer à générer des douleurs.

  • Une cystectomie partielle (résection d’une partie de la vessie) ou bien une intervention sur un uretère (conduit acheminant l’urine du rein vers la vessie).
  • Une chirurgie pour lésion digestive, qui peut être superficielle, sans ouverture du tube digestif (« Shaving »), ou alors plus complète, avec résection intestinale discoïde ou segmentaire.

Pourquoi l’information préopératoire délivrée à la patiente doit-elle être complète et particulièrement bien préparée ?

Bien qu’elle soit invalidante, l’endométriose n’est à priori pas une menace pour le pronostic vital contrairement à d’autres pathologies comme le cancer. Il s’agit donc d’évaluer parfaitement chaque situation afin d’éclairer la patiente sur le rapport bénéfice – risque d’une éventuelle intervention chirurgicale : d’une part par rapport aux résultats attendus sur la douleur, et d’autre part par rapport au risque d’échecs et de complications pendant ou bien au décours de l’opération.

La récurrence des symptômes après chirurgie est fréquente, dans 20% à 28% des cas, sans pouvoir prédire les patientes concernées [Bafort 2020, Ball 2021, Martinez 2024]. Par ailleurs, selon une étude récente réalisée chez 780 patientes, une chirurgie précédente serait associée à un risque accru de présenter plus tard des lésions d’endométriose profonde [Sibiude 2024].  

De plus, les complications ou séquelles restent possibles, notamment les dysfonctionnements de la vessie, et la formation de fistules recto-vaginales [Vercellini 2009, Bendifallah 2020], ou bien la formation d’adhérences post-opératoires qui peuvent survenir dans 60 à 90% des cas [Audebert 2012].

Les récidives sont fréquentes, car 50% des patientes opérées feront l’objet d’une 2ème intervention, souvent pour adénomyose [Roman 2023], et le délai de survenue de la récidive est indépendant du type des lésions opérées la 1ère fois [Nirgianakis 2020]. Un traitement hormonal suivant l’intervention permet cependant de réduire le risque de récidive [Choi 2023].

Enfin, la répétition de plusieurs interventions pour endométriose diminue significativement la qualité de vie dans ses dimensions mentales et physiques, ainsi que sur la fonction sexuelle [Capezuolli 2021, [Van Niekerk 2024].

Chaque patiente doit donc préparer ses consultations pour une décision conjointe et engagée avec son chirurgien. Par ailleurs, un suivi régulier post-opératoire doit être mis en place pour surveiller la récupération et gérer tout symptôme résiduel ou récurrent.

Comment la chirurgie peut-elle s’insérer dans un projet de grossesse ?

Il convient avant tout de rappeler que les femmes qui ont une endométriose profonde ont déjà 43% de chance d’avoir, sans chirurgie, une grossesse naturelle dans les 6 mois [Maggiore 2014], et que ce taux est sensiblement identique après une chirurgie (entre 40 et 43% selon les études) [Mahaux-Lacroix 2017, Vercellini 2009, Ziegler 2009], qu’elle soit à visée thérapeutique ou diagnostique lorsque cette dernière était encore pratiquée. [Bafort 2020, Leonardi 2019].

La chirurgie pour endométriose peut augmenter les chances de succès de grossesses, qu’elles soient spontanées ou bien avec une aide médicale à la procréation (AMP) [Cohen 2014, Cohen 2017]. Dans le cas spécifique de chirurgie digestive, le taux de succès de l’AMP est augmenté de 20% [Magnien 2020]. Mais en cas de kystectomie unilatérale pour endométriome, la réserve ovocytaire est diminuée de 39% (de 57% si bilatérale) [Younis 2019] et il est recommandé dans ce cas de préserver la fertilité en prévision d’une éventuelle AMP [Santulli 2021].

Il est difficile d’identifier les patientes à opérer, car l’infertilité peut avoir diverses origines : utérine, ovarienne, ou présence de facteurs inflammatoires dans la cavité pelvienne [Ziegler 2010]. Avant toute chirurgie, il faut donc optimiser le diagnostic et disposer d’un bilan complet de fertilité. Afin de minimiser le risque de complication l’intervention doit par ailleurs être pratiquée dans un centre spécialisé [Netter 2021].

La meilleure indication de la chirurgie en cas d’infertilité associée à l’endométriose reste la persistance douloureuse malgré le traitement hormonal, afin notamment de soulager la dyspareunie qui empêche ou réduit le nombre de rapports sexuels. Cette chirurgie s’intercale éventuellement dans certains cas, entre le traitement médical long terme et le moment du désir de grossesse [Chapron 2019].

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